jeudi 31 mai 2012

Cuizines, l'esbrouffe à moins de dix euros


Cuizines nous est tombé dessus par hasard. Rue Duphot (Paris 1er), la bicoque arbore une grande devanture vitrée sur laquelle on peut lire : « De la cuisine de chef pour le prix d'un ticket resto." Complètement Ca grignote à Paris, Cuizines, avec un Z qui veut dire Zorro, serait-elle ce super héros de la Grignote qui saura allier bon goût et bon marché, simplicité et respect du produit, savoir-faire et sentiment ? D'un pas hésitant, on pénètre... pour nous retrouver dans ce qui pourrait être un showroom Ikea. Univers blanc, ennuyeux comme une promenade à Stockholm, trois photos culinaires sur un mur, trois recettes imprimées sur l'autre. Et ça en rajoute comme pour mieux nous dire « attention ici vous allez bien manger, et pour pas cher en plus, alors z'avez intérêt à être content », bref, à peine a-t-on franchi le pas de la porte qu’on devine à quelle fanfaronnade on a à faire : encore un endroit qui veut vous faire croire que tout va bien se passer.

Cuizines, c’est l’énième boutique-à-manger avec son lot de sandwichs, de wraps, de salades préparées emballées dans leurs sachets en plastique. Ca tombe bien, on était en manque de bisphénol A. Après coup, on comprendra que l'enseigne propose des plats chauds, mais ce n'était pas clair, et puis il faisait chaud, alors on prit une salade océane. Avec une bouteille de Badoit et une part de cake carotte-gingembre la douloureuse joua avec le feu : 9,90 euros. Mais, moins de dix euros, ça passe.

Alors cette salade ? Pommes de terre, saumon fumé, crevette, carottes rappées. Au passage en caisse on me demande de faire un choix : sauce vinaigre ou citron ? Avec le saumon fumé, citron évidemment. Erreur, l’acide vinaigrette jure avec le sucre des carottes rappées dans une violence inouïe. Ce n’est pas de la mésentente non, plutôt une franche détestation. Pour le reste, saumon fumé, pommes de terre et crevettes, tout cela était banal, quelconque, passez votre chemin. Et inutile de compter sur les deux morceaux de baguette aux céréales (du reste une charmante attention) pour rattraper cet affront. Non mais franchement, carottes rappées versus huile d'olive et citron, quel(le) chef laisserait faire une chose pareille ? Bref, Cuizines qui dispose de deux autres adresses, rue de Provence (9ème arrdt.) ainsi qu'au Jeu de Paume sent plus le business plan que la véritable grignote. On y retournera en hiver goûter un de ces fameux plat chaud. En attendant on oublie. Y'a mieux.

Le Gâteau de Visan, trésor caché de l’industrie agroalimentaire


J'aime ma Maman, j'adore ses placards qui grouillent et débordent. En ouvrir un c'est prendre le risque qu'assiette, verre, ou paquet de chips vous tombent dessus, et paf ! un œil en moins. T'avais qu'à te mêler de tes affaires ! Au-delà de ses dangers immédiats, il y a les pièges, sournois, vicelards et méchants. Car les placards de ma mère, ce sont aussi leurs lots d'antiquités pour chineurs des frigidaires et autres brocanteurs de supermarchés : pots d'assaisonnements périmés depuis plusieurs années, sauces datant du siècle dernier. La toxicité de tout ça est établie de longue date (de péremption).

Mais, parmi ces placards, il y en a un qui est moins dangereux que les autres. Il se tient à l'écart, presque hors de la cuisine, dans la buanderie. C'est un placard discret qui côtoie sans honte les produits d'entretien, tout en conservant cette distance qui fait les bons voisinages. Placard des heures creuses, enfant, j’y allais nuitamment, pour ne pas me faire choper. C'est là que Maman stocke ses conserves, dont elle a une conception relativement étendue. On y trouve de tout : des préparations pour gâteaux et autres ingrédients bizarres dont on ne sert jamais à l'instar des cœurs de palmiers. Événement marquant : c'est dans ce placard que j'ai trouvé ma première conserve de sardines La belliloise. On l'aura compris, il recèle de merveilles.

Parmi ces merveilles il y a le Gâteau de Visan aux amandes, un produit Albert Ménès (140g, 6,71 euros soit près de 44 euros le kilo). Ca a l'air compliqué comme ça, le gâteau de Visan, mais en réalité ça s'achète chez Monop ', dixit Maman. Le même soir j'en ai trouvé deux, parfum amande et rien qu'amande, parfum chocolat, mais aux amandes aussi. Et pas n'importe quelle amande puisqu’il s’agit de l'amande Valencia qui, comme son nom l'indique, danse le flamenco. A cela il faudra ajouter du beurre de baratte extra fin A.O.C., origine Charente-Poitou? Evidemment on trouve également dans cette préparation du sucre, des œufs, mais pas de farine, ce qui nous garanti un gâteau sans gluten. C'est aussi pour ça que cette visannerie là est aussi bonne, moelleuse et addictive. Quant à l'emballage, il est à l'image du produit : old school, vintage, à l'ancienne. Il annonce la couleur, et pour une fois, il ne nous ment pas.

Warning ! Le Gâteau de Visan n'est pas un produit parfait. Voyez le système d'ouverture à languette. C'est toujours le même problème. Parfois, la languette se casse prématurément. Impossible alors d'ouvrir la boîte métallique, les copains attendent, vous avez l'air d'un con. Prévoir un ouvre-boîte de bonne qualité. Mon conseil : l'ouvre-boîte manuel, on ne fait pas mieux. Idéal pour se prémunir de ce genre d'histoire. La vérité, il arrive qu'on se batte pour ouvrir cette foutue boîte! Le désir, les crocs, la bave, tout est là, et voilà que le gâteau se dérobe à vous telle une femme dont vous auriez perdu le numéro de téléphone. Et vous savez où je vais chercher, moi, pour trouver un bon ouvre-boîte ? Dans les placards de Maman.

Texte : Stanislas Kraland
Illustrations : Hélène Paris

vendredi 17 juin 2011

Takuo, c'est gagné!




Des autocuiseurs, une lampe en forme d'oeuf, un demi-cylindre de tôle façon hangar, le tout abritant une cuisine, mais on est où là? On est chez Takuo, au marché des enfants rouges. Vous connaissez le marché des enfants rouges, ce petit coin rempli de petites tables, en plein coeur de ce qu'il est convenu d'appeler le Haut Marais, voyez-vous? On y accède par la rue de Bretagne. Haut lieu de la grignote parisienne, nous aurons l'occasion d'y retourner. Mais revenons chez Takuo.

Parfois, on a envie de manger japonais, les sushis et les yakitoris en moins, vous voyez ce que je veux dire? C'est cette envie de voyager, d'aller faire un tour à Tokyo, mais en bas de chez soi. C'est pas évident. La meute des faux restaurants japonais à deux sous veille et, comme autant de coupe-jarrets, vous attendent à chaque coin de rue. C'est là que Takuo intervient.

Takuo c'est pas Tokyo, c'est pas non plus Osaka, c'est encore moins Kyoto mais c'est déjà pas mal. Ce sont des bentos ludiques s'offrant généreusement à la picore. Porc, boeuf, poisson, poulet, choisissez votre viande (ou pas), et éclatez-vous. Votre amie blonde prendra peut-être peur à la vue de certains ingrédients, mais vous la rassurerez en lui expliquant que tout cela, et surtout les petits légumes, ça se mange. Ensuite, elle explorera son assiette en trois temps : méfiance d'abord, appréciation ensuite, et enfin faut-trop-que-j'en-parle-à-mes-copines. Vous avez marqué un point.


N'hésitez pas à vous aventurer dans la carte. Demandez aussi le plat du jour, comme cette excellente mijotée de maquereau (9,80 euros), un poisson qui se prête à la préparation de plats bons et pas chers (amis, démocratisons le maquereau). Du maquereau mijoté, mais dans quoi? Je ne sais. Peut-être du miso car il portait ce réconfort des plats d'hiver. Sous lui, du riz, avec lui, un bataillon de hijiki. Les hijikis, ce sont des algues brunes. C'est surtout l'occasion de faire le malin avec la blonde. Plusieurs agences gouvernementales déconseillent la consommation de hijiki en raison de sa teneur sensiblement plus élevée que celle d'autres algues en arsenic inorganique. Rassurez-là en lui expliquant qu'une faible dose de temps de temps ne saurait vous tuer, et elle encore moins. Osez la comparaison, c'est comme aller au McDo. Faites-lui ensuite goûter. C'est une algue, c'est donc curieux, salé, bref, ça marche. Vous marquez un deuxième point.

Sinon, nous avions mangé du poulet frit (9,80 aussi). Classique, croustillant, excellent, servi, lui aussi, avec ses hijiki. Sagement, la blonde à la main, vous vous apprêtez à dégainer la carte bleue. Arrivé devant la caisse, c'est le moment de l'épater votre blonde. Vous demanderez donc une glaçe au sésame. Etonnant, non? Couleur anthracite, ça pourrait être une glaçe au charbon. Et pourtant c'est sucré, c'est très bon, l'atterrissage est remis à plus tard. On mange sa glace jusque dans la rue. Et elle, elle sourit, elle est heureuse. Trois points pour vous. C'est gagné.


Dessin : Hélène Paris
Texte : Stanislas Kraland